Sainte-Engrâce

Santa-Grazi

L'église de Sainte-engrâce.

A l'extrême Sud de la vallée de Soule, l'église romane de Sainte-Engrâce est le centre d'un paysage splendide dominé par les pics d'Igountze et de Legorre.

A l'origine de l'église et du village, la poétique légende de Sainte-Engrâce, jeune chrétienne portugaise qui fut martyrisée à Saragosse vers l'an 303, avec dix compagnons, alors qu'elle s'apprêtait à franchir les Pyrénées pour rejoindre son fiancé, un duc de la région de Narbonne. On lui enfonça un clou dans la tête! La cathédrale de Saragosse conservait son corps, mais, des voleurs emportèrent un bras de la sainte, orné de pierres précieuses... Ils le dissimulèrent dans un arbre, à proximité du village d'Urdax. Les bergers locaux remarquèrent qu'un bœuf venait s'agenouiller devant cet arbre et que ses cornes devenaient alors lumineuses. Ils découvrirent ainsi la relique et construisirent l'église de Sainte-Engrâce en son honneur. Ainsi Urdax devint Sainte-Engrâce-des-Ports, de ces cols par lesquels on passait de Soule en Roncal.

Tableau représentant la légende de Sainte-Engrâce.

Sous l'épiscopat d'Odon de Benax (1083-1101), une collégialité de douze membres, appelés chanoines réguliers de Saint Augustin, y est établie. Sanche-Ramirez 1er, roi d'Aragon et de Sobrarbe, la rattache à l'abbaye bénédictine de Saint-Sauveur de Leyre, le 5 février 1085.

Par cet acte, on apprend qu'elle avait des biens de part et d'autre des Pyrénées , tels que: pâturages, forêts, métairies, terres et vignes... Dès lors, elle doit s'acquitter d'une redevance annuelle de deux saumons et d'une paire de bœufs pour le labour à l'Ascension et à la Saint Jean Baptiste (24 juin). Cette contrainte s'amenuisera au fil du temps...

Au milieu du XIIème siècle, elle atteint l'apogée de sa gloire et de sa prospérité. On y vient en pèlerinage, et l'on y voit affluer les princes d'Aragon, de Navarre et du Béarn. C'est depuis cette époque que les paroisses de Soule s'y rendent en procession le 16 avril, jour de la Sainte-Engrâce.

Mais, au milieu du XIVème siècle, elle est atteinte par le relâchement de la règle et par les troubles politiques. L'occupation anglaise de la Soule, et la conquête de la Haute-Navarre par Ferdinand de Castille, provoquent la rupture avec l'abbaye de Leyre.

La collégiale, avec son mobilier et ses archives, fut pillée et incendiée par les troupes protestantes du capitaine Sénégas, au cours des Guerres de Religion (1569-1570). Le relique de la Sainte disparaît alors, et une grande partie du domaine fut confisquée et attribuée par ordre de Jeanne d'Albret, au village de Lanne en Barétous.

Il faut attendre le rétablissement du culte catholique, vers 1620, pour que le bras perdu soit remplacé par l'annulaire de la main droite  de la sainte, ramené de Saragosse par deux curé-chanoines souletins. Alors, sous l'impulsion de l'évêque Arnaud II de Maytie (1622-1646), l'antique pèlerinage reprend vie... À ce moment là, les places de chanoines sont données à des curés de Soule, qui en perçoivent les rentes...

En 1714, Monseigneur Joseph de Révol, évêque d'Oloron, avec l'accord du roi et des membres de la collégiale, décident de les supprimer, et d'attribuer ses revenus au séminaire d'Oloron. Il signe le décret d'union le 7 février 1724. Toutefois, les chanoines continuent à percevoir les bénéfices jusqu'à leur mort, et le village reste bourg indépendant jusqu'à la révolution, avec sa justice indépendante et ses jurats municipaux.

Des bâtiments conventuels il ne reste que quelques pans de murs avec un créneau de guetteur percé au centre, d'où l'on a une vue stratégique sur les gorges d'Ehüjarre, axe de communication avec Compostelle par Isaba et Roncal.

Des bâtiments conventuels il ne reste que quelques pans de murs avec un créneau de guetteur percé au centre d'où l'on a une vue stratégique sur les gorges d'Ehüjarre.L'église, le cimetière et une croix aux instruments.

On pénètre dans l'église romane du XIème siècle, par un porche et un portail orné au tympan, d'un chrisme soutenu par deux chérubins, avec la signature du sculpteur "Bernardus". Un des chapiteaux représente les pèlerins d'Emmaüs debout, nus pieds, leur bâton à la main, devant une tour crénelée. Sur un autre chapiteau, ils sont représentés à table, en compagnie du christ qui rompt le pain.

Le portail de l'église. Le tympan orné d'un chrisme, soutenu par deux chérubins.
Les pèlerins d'Emmaüs debout, nus pieds, leur bâton à la main. Les pèlerins d'Emmaüs, à table, en compagnie du christ qui rompt le pain.

L'église a une façade asymétrique avec un clocher latéral, elle est flanquée d'un contrefort qui fut ajouté en 1864.  Son plan rappelle celui de l'église de Sainte-Croix d'Oloron, il est constitué de trois nefs en berceau qui aboutissent à trois absides en cul-de-four, la nef centrale est aveugle. Les piliers reposent sur d'énormes bases cylindriques. Un des chapiteaux porte l'inscription "Garcia Dat me fecit facere" (Garcia Dat me fit faire). L'église fut restaurée au XIXème siècle, sous la pression insistante de Prosper Mérimée.

Le retable central a été démembré, les panneaux qui en subsistent et les retables latéraux (chapelles de la Vierge et de Sainte Catherine) sont d'une grande saveur.

Le choeur et le retable central.

Une grille de fer du XIIIème siècle sépare les sanctuaires des nefs, soit pour défendre les vases sacrés contre les voleurs, soit parce que l'église servait de dortoir la nuit aux voyageurs.

Parmi la douzaine de remarquables chapiteaux historiés, on peut remarquer celui de la Nativité où l'on voit de gauche à droite: les  mages endormis, au centre l'accouchement très réaliste, et à droite, les mages arrivant à cheval...

Rois mages à cheval.Rois mages à cheval.Les rois mages, et une nativité particulièrement évocatrice...

L'épisode de la rencontre du roi Salomon et de la reine de Saba, est particulièrement intéressant. Le roi, assis, tiens la reine sur ses genoux et la caresse, alors que les gardes, appuyés sur leur lance, se reposent. Un éléphant vu à travers la fantaisie du sculpteur médiéval, a une langue pendante démesurée, qui évoque la trompe de l'animal dont on distingue les défenses.

L'épisode de la rencontre du roi Salomon et de la reine de Saba, avec l'éléphant à la langue pendante démesurée, qui évoque la trompe de l'animal.

D'autre chapiteaux représentent des scènes de danse où les femmes se contorsionnent en compagnie des musiciens, flûtistes, joueurs de viole ou de luth. Même l'ours entre dans la danse! On trouve une scène de chasse à coure, avec des centaures qui tirent à l'arc, et des valets à pied qui sonnent la trompe de chasse.

Flûtiste et  joueur de viole ou de luth, avec une danseuse et un ours qui danse (sur la droite).

Dans l'évocation des chrétiens livrés aux bêtes, l'empereur préside à la scène du martyre...

Les chrétiens livrés aux bêtes.Les chrétiens livrés aux bêtes.

Un pèlerinage a lieu le jour de la Pentecôte. On y invoque la sainte contre les maux de tête.

On trouve encore dans le cimetière, de superbes stèles discoïdales. On peut aussi y remarquer une croix aux instruments.

Les cimetières où l'on trouve de superbes discoïdales.

IHS MARIA 1674

Il y eut autrefois à Sainte-Engrâce, près de l'église, une chapelle de la Madeleine dont l'emplacement est encore préservé.

Au quartier dit « de la chapelle » subsiste la chapelle Saint-Laurent.

Avant d'arriver à Sainte-Engrâce, les gorges de Kakueta sont, avec La Pierre Saint-Martin, située plus à l'Est, un des hauts lieux de la spéléologie. Longues de 3 km 500, profondes de 60 à 260 m, elles n'ont guère qu'une dizaine de mètres de largeur, quatre mètres en un point; les plantes sauvages ne laissent filtrer entre les rochers en surplomb qu'une lumière verte.

Les gorges d'Ehüjarre, moins connues, sont cependant plus grandioses.

 

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