Agüero |
Agüero est situé au Sud de la Sierra de Santo Domingo, à 14 kilomètres d'Ayerbe, sur la rive droite du río Gállego, à 696 mètres d'altitude. Le village est implanté au pied des Mallos qui le protègent côté Nord. Moins connues que les Mallos de Riglos, les Mallos d'Agüero, de couleur ocre, constituent également un haut lieu de l'escalade. La population est de l'ordre de 180 habitants. Position stratégique dès le règne de Sancho el Mayor, Agüero est constitué de rues étroites et pentues autour de l'église forteresse placée en position dominante. Parcourant le village, on trouve quelques clés de voûte blasonnées. Une céramique, placée sur une façade, demande à San Isidro de placer les paysans et les chasseurs sous sa protection... L'église paroissiale del Salvador, du XIème siècle, a été réaménagée au XVIIème. Le portail roman est d'une grande richesse avec ses quatre archivoltes décorées de palmettes et de billettes qui entourent un tympan finement sculpté. Le Pantocrator dans une mandorle est encadré par les symboles des évangélistes (l'ange, le lion, le taureau et l'aigle). Les colonnes sont surmontées par de superbes chapiteaux à motifs végétaux ou animaliers. A l'intérieur un bel escalier en colimaçon permet l'accès à la tour. L'arc triomphal porte également des chapiteaux sculptés. Près de l'église, le Père Luis Galindo Bisquer, un passionné de vieilles et belles choses, a créé avec l'aide de l'évêché de Huesca un musée de l'orgue sans doute unique au monde. Dans les quatre salles on découvre divers types d'orgues, une flûte de pan, des ouvrages anciens sur la musique d'orgue, des cartes postales avec des reproductions de cet instrument dans le monde entier, tous les éléments, tous les mécanismes de l'orgue et enfin un instrument qu'il a construit en totalité. L'église de Santiago est située sur une hauteur, a quelques centaines de mètres à droite avant l'entrée du village. Ce temple aurait été gigantesque s'il avait été achevé. Le plan, grandiose, comprenait trois nefs et trois absides semi-circulaires mais très vite on dut se contenter de fermer l'ensemble au niveau du transept. On remarque d'ailleurs que le mur Ouest bute sur des colonnes et masque une partie des chapiteaux. On ne connaît pas les raisons de l'arrêt de cet important chantier sans doute situé sur un itinéraire orienté vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Le type de construction avec abside et absidioles, colonnes et contreforts, s'apparente davantage a l'art roman castillan qu'a l'art aragonais. Le portail Sud est la perle de cet édifice et les sculptures sont de la main du Maître de San Juan de la Peña qui a réussi ici de petits chefs-d'œuvre. On peut remarquer les deux chapiteaux qui évoquent la danse : sur le premier, la danseuse est prête; mains sur les hanches, elle attend les sons de la harpe et de la viole pour s'élancer; sur le second, son corps est totalement renversé, les cheveux dénoués touchent le sol, mais elle a toujours ses mains sur la taille dans une attitude provocante qui rappelle Salomé devant Hérode. Finesse, mouvement et harmonie que l'on retrouve un peu dans les dragons affrontés, les lions dévorent un chevreau, la lutte entre un Maure et un Chrétien des autres chapiteaux, et sur les consoles ou des lions dévorent un homme et une femme. Il est difficile de donner une interprétation, une signification précise a ces scènes. Peut-être évoquent-elles la lutte du bien et du mal et le péché de la luxure, hantise des théologiens du XIIème siècle. On peut apprécier le très beau tympan avec une Adoration des Mages. On retrouve Joseph, dubitatif, la Vierge avec l'Enfant Jésus sur les genoux, mais ce qui frappe, ce qui est singulier, c'est l'attitude du premier Roi, littéralement prosterné et baisant les pieds du Christ. C'est unique en Aragon mais très courant dans l'art byzantin. Le Maître de San Juan a peut-être rencontré un maître oriental ou plus simplement a eu accès à des croquis, des tissus ou des ivoires venant de Byzance par l'intermédiaire de l'empire arabe. L'intérieur de l'église est d'une grande ampleur et l'abside majeure attire le regard avec son arcature aveugle surmontée par des doubles baies et un cul-de-four nervuré par le prolongement des colonnes qui rythme l'ensemble verticalement. L'absidiole sud est partagée horizontalement par deux bandeaux : celui du bas est une véritable frise qui raconte l'enfance du Christ. D'une grande maîtrise technique, elle est attribuée au Maître de Santo Domingo de la Calzada. Le Songe des Rois Mages est particulièrement réussi grâce au contraste entre le mouvement de l'ange qui sort d'un nuage et l'immobilité des Rois figés dans leur lit. D'une main, l'envoyé de Dieu soulève une partie de la couverture, et de l'autre il montre l'étoile pour indiquer le chemin à suivre. A l'extérieur, les magnifiques pierres de taille sont décorées d'une cinquantaine de marques de tâcherons, différentes et expressives. L'église d'Agüero entretient encore beaucoup de discussions parmi les érudits. Les questions sans réponse sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les dates de construction qui devraient s'étaler entre la fin du XIIème siècle et le début du XIIIème siècle. Le 25 juillet, les habitants du village organisent en direction de l'ermitage de Santiago, une grande romería. |
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